Budget 2026 : "C'est un budget de souveraineté", défend la ministre chargée des Comptes publics, Amélie de Montchalin

Au lendemain de la présentation par François Bayrou de propositions pour réaliser 44 milliards d'euros d'économies sur le budget 2026, la ministre chargée des Comptes publics était l'invitée des "4V" mercredi 16 juillet.
Ce texte correspond à la retranscription d'une partie de l'interview ci-dessus. Cliquez sur la vidéo pour regarder l'entretien en intégralité.
Jean-Baptiste Marteau : Bonjour Amélie de Montchalin. Quand on lit 43,8 milliards d'euros à économiser, est-ce que c'est bien un budget d'austérité vu le contexte budgétaire et économique ? Le mot a un sens.
Amélie de Montchalin : Je crois que c'est un budget de souveraineté et c'est un budget de liberté pour nous, Français, face à une situation où le risque, c'est que nous ne choisissions pas nous-mêmes comment nous reprenons en main notre destin, comment nous reprenons en main nos finances publiques.
Il n'est pas question d'austérité.
Je pense que le Premier ministre a très bien montré hier le risque. Le risque, c'est que nous soyons écrasés par notre dette. Le risque, c'est que nous ne soyons plus capables d'avoir les marges de manœuvre pour financer les priorités. Dans les priorités des Français, il y a la sécurité, il y a nos armées, il y a nos gendarmeries. Il y a aussi des priorités sur la transition écologique. On voit des cyclones, des inondations partout. Comment on se protège ? Il y a aussi l'avenir de nos enfants. Comment on forme mieux nos professeurs ? Il y a aussi évidemment le financement du modèle social. Les Français veulent être assurés sur le fait qu'aujourd'hui et demain, ils pourront être bien soignés. Mais ce que nous voyons, c'est que le modèle qui est le nôtre aujourd'hui, n'est pas soutenable, il nous met en danger et donc c'est d'abord un budget de souveraineté. Comment choisir par nous-mêmes et comment on ne se laisse pas aller à un risque qui soit celui où, parce qu'on n'ose pas dire les choses, parce qu'on n'ose pas dire les choses avec authenticité, sincérité aux Français, nous laissons filer ce déficit, nous laissons filer cette dette et un jour, ce soit d'autres que nous qui décidions pour nous-mêmes.
Dans le détail, 3 000 suppressions de postes pour l'État en 2026, non remplacement d'un fonctionnaire sur trois à partir de 2027. Quels métiers seront touchés très concrètement ? On touche à l'enseignement, aux soignants ?
Alors, il y a plusieurs choses. Ce n'est pas une décision arbitraire. C'est le fruit de huit ans de modernisation des services publics. Je vous donne un exemple, les services des impôts, dont je suis la ministre. Évidemment, quand on fait le prélèvement à la source, ça permet de nous réorganiser. Encore la semaine dernière, vous voyez, j'ai relocalisé des agents publics partout en France pour qu'ils soient plus proches des Français.
Donc, on peut supprimer des postes quand on réforme certaines administrations.
Exactement et on va le faire dans toutes les administrations. Toutes les administrations, bien évidemment, se réorganisent, se modernisent, se mettent plus proches des Français. Vous avez dans tous les ministères des réorganisations. Après, vous avez des ministères qui recrutent. Plus de militaires, plus de policiers, plus de surveillants dans les prisons, mais aussi plus d'enseignants parce que vous savez qu'on va les former plus tôt. C'est une grande réforme pour que les enfants de notre pays soient face à des enseignants qui soient mieux formés.
Vous nous confirmez qu'il n'y aura pas de revalorisation salariale en 2026, même justement pour ces enseignants, pour ces soignants, pour ces policiers ?
C'est ce qu'on appelle une année de stabilité. Donc, on n'a pas de nouvelles hausses de salaire. On a eu de très fortes hausses en 2024. En revanche, les salaires vont quand même augmenter un peu à l'ancienneté parce qu'il est important que la fidélisation de notre fonction publique se poursuive. J'ai été ministre de la Fonction publique. Ce que je veux dire aujourd'hui à tous les Français et à tous les agents publics, c'est que les services publics marchent mieux, qu'ils soient bien financés, que les agents publics aient des outils modernes pour accompagner les Français. C'est ce qu'on prévoit.
On parle des niches fiscales également sociales qui seront supprimées. Est-ce qu'on peut citer ce matin quelques niches fiscales qui seront concrètement supprimées ? Par exemple, les aides à domicile, elles seront touchées ou pas ?
Au sujet des niches fiscales, c'est que ça a été créé, parfois il y a très longtemps, pour soutenir un secteur, soutenir une activité, accompagner les entreprises. La question qu'on doit en permanence se poser, il y en a 474 quand même aujourd'hui dans notre pays, ça représente plus de 85 milliards d'euros. Est-ce que c'est toujours utile ? Est-ce que c'est toujours adapté ?
Vous l'avez fait cette évaluation déjà ?
Les parlementaires, la Cour des comptes, nous-mêmes, allons travailler très en détail pour avoir des gestes justes. J'ai toujours dit par exemple que sur les services à la personne, ce qui fonctionne et donc qui n'a pas besoin d'être réformé, c'est ce qui concerne les gardes d'enfants, le soutien aux personnes âgées et dépendantes, le soutien aux personnes handicapées. Sur ce sujet-là, nous ne changerons pas. En revanche, il est utile qu'avec les parlementaires, on puisse travailler de manière précise. C'est de l'argent public, il faut qu'il soit bien utilisé.
L'abattement de 10% sur la retraite qui va devenir forfaitaire avec un plafond de 2 000 euros, c'est un tabou qui est en train de tomber. Les retraités qui étaient jusque-là relativement épargnés vont également être remis à contribution ?
On est dans un effort de la nation. Il n'y a pas de catégorie qui soit ni un bouc émissaire, ni inversement protégée de ce que toute la nation doit faire pour elle-même. J'avais lancé ce débat il y a quelques semaines pour voir comment nous pouvions avoir là aussi une répartition juste de l'effort. Ce que nous proposons, c'est que les retraités les plus aisés fassent effectivement une forme de solidarité envers les retraités de la classe moyenne et des plus modestes. Donc l'abattement qui était de 10% jusqu'à 4 400 euros devienne un abattement de 2 000 euros par personne. Quand vous êtes un couple, ça veut dire 4 000 euros comparés à 4 400 euros. Vous voyez que c'est une réforme de justice et de simplicité et qui bénéficiera aux retraités de la classe moyenne et modeste.
Une contribution sur les plus hauts revenus, ça veut dire quoi ? C'est une nouvelle tranche d'impôt pour ceux qui sont très favorisés. Comment ça va se concrétiser ?
Ce n'est pas une nouvelle tranche d'impôt. Ce n'est pas ce qu'on cherche à faire. On cherche d'abord à faire en sorte que les montages, parfois avec des holdings, parfois des montages complexes, n'évitent pas l'impôt, ne contournent pas l'impôt. Le gouvernement de Michel Barnier avait proposé une mesure, une contribution sur les hauts revenus. Le Premier ministre souhaite la maintenir, c'est un arbitrage de sa part.
Elle est reconduite, la même que l'année dernière.
Il a annoncé aussi que nous allons continuer à travailler sur toute la sur-optimisation, notamment des holdings, parce qu'on veut s'assurer que les Français payent l'impôt qui existe.
Francetvinfo